Quels détails descriptifs sont de trop pour les lecteurs ?

Créé le 18/06/2022 Stéphane Arnier
Cet article est l'adaptation française de Which Descriptive Details Are Excessive to Readers? écrit par Chris Winkle.
Merci à MythCreants de l'aimable autorisation accordée à Scribbook pour la traduction et l'adaptation française de ses articles.
  En bleu, nos annotations et précisions complémentaires ajoutées à la traduction.

Ne décrivez pas les scènes comme si vous preniez une photo.

Les cerveaux humains ne sont pas des appareils photo ; essayer de raconter chaque détail d’une scène comme si vous en preniez un cliché ne fera que perdre les lecteurs. Au lieu de cela, ils devraient être en mesure de s’asseoir et de profiter de votre description sans trop y penser. Cela signifie réduire la complexité, et permettre aux lecteurs de combler eux-mêmes certains non-dits. Voyons où les auteurs incluent souvent des détails excessifs et ce que vous devriez laisser de côté.

 

Évoquer l’agencement et la disposition des lieux

Les auteurs décrivent souvent l’agencement et le positionnement des éléments dans un lieu, surtout lorsque de nombreux personnages sont présents. Cela peut inclure le détail des troupes sur un champ de bataille, la disposition des meubles dans une pièce, les caractéristiques d’une ville, ou les zones de vie dans un vaisseau spatial.

 

Ce que vous faites et dont vous n’avez pas besoin

À moins d’être sur le point de décrire un conflit dont le résultat dépend de la disposition du lieu, il est peu probable que les lecteurs aient besoin d’une connaissance précise de chaque élément dans l’espace. Vous pouvez vous contenter de quelques petites choses qui affectent l’expérience du personnage de point de vue ou sont pertinentes pour l’histoire.

Par exemple, disons que dix personnes s’assoient à une table. Vous pouvez décrire qui est en bout de table, parce que cela indique un personnage qui a plus d’autorité. Vous pouvez aussi mentionner la personne qui est assise près du personnage principal, parce que c’est à cette personne qu’il parlera pendant le dîner. Préciser où est assise chacune des dix personnes noierait seulement le lecteur de détails sans intérêt.

Si vous décrivez des troupes sur un champ de bataille, un positionnement plus complet peut se révéler important. Mais même ainsi, contentez-vous de placer les éléments qui sont nécessaires. Si les archers doivent pousser la cavalerie vers un terrain accidenté qui causera problème aux chevaux, vous n’avez qu’à préciser que la cavalerie se trouve entre les archers et le terrain accidenté. Si votre protagoniste a élaboré un plan pour exécuter un mouvement en tenailles compliqué, où plusieurs unités d’archers travaillent en coordination pour piéger la cavalerie, vous pouvez avoir besoin de préciser plus clairement où tout se trouve.

Lorsque vous décrivez une zone où la position n’a pas d’impact direct sur l’histoire, tout ce que vous avez à faire est de construire l’atmosphère générale et de mentionner certaines choses spécifiques qui sont présentes. Cela évoque un sentiment de localisation, mais laisse le lecteur remplir les trous quant à la localisation du reste.

 

Quel niveau de détails dans l'agencement les lecteurs peuvent-ils supporter

Les lecteurs peuvent facilement comprendre la position approximative de deux choses l’une par rapport à l’autre. Cela inclut :

  • Deux chaises l’une à côté de l’autre
  • Deux églises de deux côtés opposés d’une ville
  • Deux personnes qui se font face
  • Une falaise sous un surplomb

 

Pour décrire la position relative de plus de deux choses à la fois, vous avez besoin d’un raccourci qui communique la forme globale. Vous pouvez dire qu’il y a :

  • Cinq chaises alignées
  • Trois églises formant un triangle
  • Six personnes formant un cercle
  • Une grille de lignes taillées dans la falaise.

 

Si ce n’est pas possible, votre meilleure option est de mettre des éléments en paires ou en ensembles de formes. Ensuite, placez relativement deux choses à la fois. Par exemple :

EXEMPLE

« Les deux garçons se tenaient côte à côte, leurs grands yeux reflétant la lueur de la fleur de feu qui dansait devant eux. Six petites fées entouraient la fleur. »

 

Nous savons à peu près où se trouvent les garçons les uns par rapport aux autres. Ensuite, nous savons à peu près où se trouve la fleur par rapport aux garçons. Enfin, nous apprenons à peu près où se trouvent les fées par rapport à la fleur. Si nous continuions comme ça, nous pourrions submerger les lecteurs, mais cela fonctionne bien si l’on n’en abuse pas.

 

Ce que les lecteurs ne peuvent pas supporter

Je n’ai pas mentionné une direction comme est, ouest, droite ou gauche. Si j’indiquais qu’un garçon est dans le coin nord-est, un autre dans le coin nord-ouest, la fleur dans le coin sud-est, et les fées au centre, je donnerais aux lecteurs la migraine. Cela les obligerait à se souvenir des points cardinaux et à les placer mentalement sur une carte.

Si vous devez nommer différents côtés d’une zone, utilisez des descripteurs comme le côté sombre et le côté clair. C’est beaucoup plus facile à retenir que des directions versatiles comme « nord ».

De même, ne vous attendez pas à ce que les lecteurs se souviennent des dispositions complexes. Ils peuvent probablement se rappeler le placement relatif de deux éléments, ou la forme d’éléments supplémentaires s’ils sentent que cette information est importante. Cependant, il est peu probable qu’ils mémorisent les éléments qui se trouvent d’un côté de la pièce et ceux qui se trouvent de l’autre. Si vous avez une séquence de bataille entière où la position est importante, vous voudrez leur donner plusieurs rappels de qui est à quel endroit pour faire quoi.

 

Disposition et position : avant et après

Voici un exemple de description tirée de The Tommyknockers.

« La propriété […] ne donnait sur la route 9 que sur cinquante-cinq mètres, mais les parois rocheuses qui délimitaient les frontières nord et sud formaient des angles divergents. Une autre paroi rocheuse – celle-ci si ancienne qu’elle avait dégénéré en des tertres rocheux isolés recouverts de mousse – marquait la limite arrière de la propriété à environ trois milles dans une forêt indisciplinée d’arbres de première et de deuxième croissance. La superficie totale de ce coin en part de tarte était énorme. Au-delà du mur, à l’extrémité ouest des terres de Bobbi Anderson, il y avait des lieues de nature sauvage appartenant à la New England Paper Company. Burning Woods, sur la carte. »

C’est difficile de comprendre quoi que ce soit à tout ça. Cependant, vers la fin, vous pouvez voir que l’auteur, que j’appellerai Stevosaurus Rex (Stephen King), offre enfin un raccourci pour la forme de cette carte de propriété. C’est un « coin en part de tarte ». Rex nous donne aussi quelques détails concernant l’atmosphère, comme ces tertres de roche moussue.

Je ne sais pas si cette carte compte pour l’histoire. Je dirais qu’il est important de communiquer les caractéristiques générales, mais ces détails tels que les points cardinaux et le kilométrage exact peuvent être abandonnés.

EXEMPLE

« L’immense propriété avait la forme d’une pointe de flèche, sortant d’une forêt turbulente d’arbres de première et de deuxième croissance pour à peine entailler la route 9 à sa pointe. Autour de la frontière, les parois rocheuses dégénéraient en tertres moussus. »

 

J’ai changé la part de tarte en une pointe de flèche, transmettant à peu près la même forme tout en utilisant une image plus appropriée à un roman d’horreur. En utilisant la pointe de la flèche comme raccourci, il est beaucoup plus facile de décrire les bois à l’ouest et la route… à l’est ? 



Décrire les nombres et de les tailles

Tôt ou tard, vous devrez transmettre aux lecteurs des informations – quelle taille ? Combien ? À quelle vitesse ? Quel poids ? – qui peuvent souvent être décrites en termes de nombres.

 

Quand utiliser les chiffres

Les chiffres sont souvent cliniques et trop précis. Est-ce que le personnage de point de vue a un compteur de vitesse dans la tête qui lui dit que quelqu’un court exactement à 40 kilomètres à l’heure ? Même si vous utilisez un narrateur omniscient qui peut offrir une information aussi précise, les gens ne sont pas doués pour imaginer la plupart des chiffres. C’est pourquoi tant d’infographies montrent le nombre de personnes en termes de combien d’avions ou d’autobus ils rempliraient.

Cela signifie que si vous décrivez quelque chose qui nécessiterait de sortir un outil de mesure ou un dispositif pour atteindre un nombre précis, vous devriez éviter d’utiliser des nombres pour le représenter – à moins que votre personnage prenne des mesures exactes dans l’histoire, par exemple, s’il s’agit d’un scientifique ou d’un robot. Même alors, vous aurez besoin de traduire ces chiffres en quelque chose de plus significatif. Votre scientifique pourrait calculer le taux de croissance de l’anomalie spatiale et se rendre compte qu’elle avalera la station spatiale en trois jours.

Les nombres fonctionnent mieux pour des choses que les gens peuvent facilement compter, comme des objets physiques ou des périodes de temps. Même alors, les nombres dans la description devraient généralement s’insérer dans deux catégories :

1. Moins de 10 en nombre.

2. Des chiffres approximatifs comme « une douzaine » ou « des centaines ».

Vous pourriez mentionner que 17 seigneurs siègent à un conseil, mais ce serait de l’exposition, pas une description. Un personnage de point de vue ne verrait pas exactement 17 personnes en regardant une foule, à moins qu’il n’ait une raison de prendre le temps de les compter.

 

Utilisation d’une description relative

Beaucoup de nombres dans une description peuvent être remplacés par un mot ou deux qui donnent une idée approximative de la mesure, tels que gigantesque, minuscule, imposante, spacieuse, exiguë, plusieurs, une foule, lourd, léger, etc. Si votre personnage de point de vue entre dans une énorme chambre où chaque pas résonne depuis le plafond voûté, il est probablement inutile pour les lecteurs d’avoir une idée précise de la hauteur sous plafond.

Cependant, dans certains cas, vous devrez être plus précis. Si votre protagoniste rencontre un géant, ce géant pourra avoir toute une gamme de tailles. De plus, il est probable que sa taille aura de l’importance tôt ou tard, car elle détermine la charge qu’il peut porter et à quel point il est fort. Vous ne voulez pas que les lecteurs se rendent compte tardivement que ce géant est beaucoup plus grand ou plus petit qu’ils ne l’avaient imaginé.

Dans des cas comme celui-ci, faites une comparaison avec quelque chose de familier.

  • Le géant est-il aussi grand qu’un chêne ?
  • Les poings du géant sont-ils de la taille d’un tonneau ?
  • Une femme adulte pourrait-elle s’asseoir sur chaque épaule ?
  • Court-il plus vite qu’un cheval ?

 

Les objets que vous décrivez peuvent être hors de portée, assez petits pour tenir dans une paume, ou encore plus légers qu’une plume.

 

Nombre et taille : avant et après

Jetons un œil à ce passage tiré de Numéro Quatre.

« Il voit une brèche dans la jungle. Quand il l’atteint, il voit un énorme ravin, de cent mètres de large et cent mètres de profondeur, avec une rivière au fond. La rive de la rivière est couverte d’énormes rochers. »

Le but de préciser « cent mètres » est probablement de souligner la taille de ce ravin. Mais comme les gens ne sont pas bons pour conceptualiser les chiffres, cela n’a pas autant d’impact que de les comparer à des choses que les gens connaissent. L’auteur Pittacus Lore perd également une occasion de souligner la hauteur en décrivant simplement les rochers comme « énormes ». Pour le protagoniste de ce passage omniscient, les rochers devraient sembler petits.

J’ai modifié le passage pour changer ces détails.

EXEMPLE

« Il voit une brèche dans la jungle. Quand il l’atteint, il voit un ravin aussi large et profond qu’un stade de football. La rivière déchaînée au fond ressemble à un mince filet, et les énormes rochers sur ses rives, à de petits cailloux. »

 

Laisser les lecteurs combler les trous

Le but de la description est de créer une atmosphère, de faire ressortir des éléments importants de l’histoire tels que les personnages centraux, et de créer les bases pour les événements qui s’y déroulent. Tout ce qui n’est pas divertissant, ou tout ce qui est d’une importance insignifiante et peut être déduit par les lecteurs, devrait être laissé à leur imagination.

 

Suivre la règle d’interchangeabilité

Ne vous donnez pas la peine de faire la distinction entre des éléments de l’histoire qui sont interchangeables. Cela signifie que si une princesse a cinq servantes qui ne sont pas des personnages importants, ne les décrivez pas séparément. Dites plutôt à quoi elles ressemblent ou ce qu’elles font en tant que groupe. Vous voudrez quand même donner vie à la description en mentionnant les détails qui leur sont associés, mais ces détails ne devraient pas demander aux lecteurs de les mémoriser individuellement.

 

EXEMPLE

Bien : Toutes les servantes étaient vêtues de linge de maison blanc et de pantoufles bleues. L’une tenait un bol de cerises pour la princesse, tandis qu’une autre peignait les cheveux de Son Altesse.

Moins bien : La première servante portait une robe blanche et tenait un bol de cerises pour la princesse. La seconde portait des pantoufles bleues et se tenait derrière elle, peignant ses cheveux.

 

La règle d’interchangeabilité s’applique non seulement aux objets, mais aussi aux actions et aux positions. Si quelque chose est du côté d’un personnage, il est rarement nécessaire de préciser de quel côté. Si un capitaine a son premier officier d’un côté et son chef de la sécurité de l’autre, ne précisez pas aux lecteurs lequel est à droite et lequel est à gauche.

Vous saurez que quelque chose est interchangeable si le lecteur peut l’imaginer comme il le voudrait et que rien de ce qui se passera dans l’histoire ne viendra contredire ces détails qu’il a lui-même remplis.

 

Ne pas microgérer les actions

Dans bien des cas, les mouvements exacts impliqués dans une action sont des renseignements anodins qui ne devraient pas être décrits.

  • En suivant la règle d’interchangeabilité, il est rarement nécessaire de préciser si un personnage utilise sa main/sa jambe droite ou gauche pour faire quelque chose.

 

  • Nous savons tous comment des actions banales comme ouvrir une porte sont effectuées physiquement. Vous aurez rarement besoin de préciser qu’un personnage a tendu la main et tourné la poignée. Il en va de même pour les actions dans une scène de combat comme la projection ou l’attaque à l’arme blanche.

 

  • Si un personnage a besoin d’ouvrir un cadeau, vous n’avez pas besoin de dire qu’il enlève le ruban, défait le papier et ouvre la boîte. Vous pouvez simplement dire qu’il le déchire ou l’ouvre soigneusement, puis aller directement à la description du cadeau.

Bien sûr, il y aura des circonstances particulières, quand des détails autrement banals deviendront pertinents. Peut-être que sa main gauche est blessée, alors il doit utiliser la droite à la place, même s’il est gaucher. Peut-être qu’un personnage a peur de ce qu’il y a derrière la porte, alors il commence à tourner la poignée et puis s’arrête, et écoute. Peut-être que le papier d’emballage semble étrangement familier. Assurez-vous simplement que ce que vous décrivez est important pour la scène.

 

Laisser les lecteurs remplir les trous : avant et après

Voici un court extrait de L’Épée de Shannara.

« Il bondit de côté avec un cri de peur, son sac tomba sur le chemin avec un fracas de métal, et sa main gauche tira la longue et fine dague de sa ceinture. »

 

Le plus difficile dans la révision de cet extrait est de résister à la tentation de réparer d’autres choses. Pour rester dans le sujet du présent article, tout ce que nous devons faire, c’est remplacer « sa main gauche » par « il ».

EXEMPLE

« Il bondit de côté avec un cri de peur, et son sac tomba sur le chemin avec un fracas de métal. Il tira la longue et fine dague de sa ceinture. »

 

Oui, j’ai créé une nouvelle phrase. Je n’ai pas pu m’en empêcher.

Puisque celui-ci était court, regardons un autre exemple tiré de mes articles sur la rédaction des scènes d’action.

« Sa vision s’éclaircit juste à temps pour voir l’immense bête se pencher sur elle ; Sera battit des pieds, poussa le sol de ses talons pour reculer. À peine un instant plus tard, le troll était à un mètre d’elle, relevait une main, ses doigts boudinés se fermant en un énorme poing. Instinctivement, Sera leva son bras droit devant son visage, paume ouverte. »

Le « un mètre » n’est pas nécessaire parce que les lecteurs savent déjà que le troll est à portée de frappe ou presque. Les mouvements de Sera sont aussi trop spécifiques. Néanmoins, la minutie du mouvement du troll est bonne ; le troll ne termine jamais le coup, ce qui augmente la tension.

 

Voici la nouvelle version par mes soins.

EXEMPLE

« Sa vision s’éclaircit juste à temps pour voir l’immense bête arriver sur elle ; Sera chercha à reculer, mais le troll levait déjà sa main, ses doigts boudinés se fermant en un énorme poing. Sera protégea son visage derrière son bras. »


Les histoires fonctionnent mieux quand elles sont réduites aux seuls éléments nécessaires pour porter l’intrigue, développer les personnages, ou maintenir l’atmosphère. C’est aussi vrai au niveau de la phrase qu’au niveau de la vue d’ensemble.

 

Cet article est la 3ème partie de la série : Maîtriser les descriptions. Vous pouvez aussi retrouver les deux premières parties sur notre blog : 

1. Qu’est-ce que les écrivains doivent décrire ?

2. Comment rendre ses descriptions évocatrices ?

 

Exceptionnellement, l’adaptation française de cet article a été réalisée par l’autrice Julie Dubois, un grand merci à elle ! L'article a été relu/corrigé par Stéphane Arnier, un grand merci à lui comme toujours.

Stéphane Arnier est auteur de fantasy. Entre deux romans et un concours d'écriture, il explore dramaturgie et narration sur son blog.
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