Bien continuer son NaNoWriMo !

Créé le 06/11/2022 Stéphane Arnier

Depuis le 1er novembre, vous êtes lancés dans un défi d’écriture intense, et vous rédigez une histoire à un rythme soutenu pour atteindre les 50 000 mots à la fin du mois. Dans un premier article, nous avions passé en revue des éléments pour « bien commencer » votre Nano et votre histoire. Et maintenant ? Comment ne pas vous essouffler et tomber dans le « ventre mou » de votre récit ?

Écrire une histoire de bout en bout est un exercice compliqué, et chaque sous-partie d’un récit présente son propre challenge. Le milieu d’une histoire est sa chair, son développement, le gros du morceau, si l’on peut dire : pour le lecteur, c’est le liant entre ce que vous lui avez promis au début et la fin qu’il n’a pas encore lue ; pour vous l’auteur, c’est le moment où vous déployez vos idées et déversez votre créativité… du moins, si vous ne bloquez pas. 

Bien continuer ? Ce qui peut poser problème.

Après ce début de Nano, il peut se passer pas mal de choses, des bonnes et des moins bonnes. Peut-être que vos sessions s’enchaînent bien et alors bravo : continuez ! Peut-être que votre vie quotidienne a pris le dessus et que vous ne parvenez pas à trouver du temps pour écrire : navré, je ne peux rien pour vous. Et peut-être que vous vous heurtez à un manque d’envie et/ou des soucis narratifs : parlons-en, je suis là pour ça. 

 

Manque d’envie : la page blanche

Si ça se trouve, vous êtes en train de vous morfondre : votre projet n’avance pas trop. Oh, oui, si vous vouliez bien, vous auriez du temps pour écrire, mais, pfiou… quand vous pourriez, vous ne le faites pas. Vous n’avez plus la flamme du début, plus l’envie, plus la motivation.

Vous pensez que le problème vient de vous ? C’est possible, mais peu probable. Il y a neuf chances sur dix pour que le problème, ce soit le texte. Vous n’avez plus envie de travailler dessus parce que c’est devenu pénible, et c’est devenu pénible parce que plusieurs choses ne fonctionnent pas dans ce projet. Ce n’est pas drôle de faire du vélo avec des pneus dégonflés, une chaîne qui déraille en permanence et les freins qui grincent, pas vrai ? Et si on auscultait le vélo pour trouver ce qui ne va pas et repartir, au lieu de se morfondre sur nos capacités de cycliste ?

Première chose : rappelez-vous pourquoi vous avez décidé de faire ce Nano. Qu’est-ce qui vous plaisait tant dans ce projet d’histoire ? Qu’est-ce qui vous enthousiasmait dans ce récit, ce monde ou ces personnages ? Est-ce que ces éléments figurent aujourd’hui dans ce que vous avez commencé à écrire ? Si non : pourquoi ? Et félicitations : vous venez de trouver ce qui ne va pas.

Seconde chose : vous vous souvenez de l’article de début de Nano ? Les différents sujets abordés représentaient les fondations du récit, ses piliers. Et si vous passiez un peu de temps à vérifier que tout est bon de ce côté-là ?

– Du côté narratif : personnage, objectif, obstacles, enjeux ?

– Du côté non narratif : narration utilisée, ton et genre ? Tenez-vous bien votre narration ? En 3ème personne focalisée, ne créez-vous pas sans le vouloir de la distance narrative ? Montrez-vous au lieu de raconter ? Avez-vous choisi le bon personnage de point de vue ? En omniscient, n’auriez-vous pas une meilleure façon de raconter vos premières scènes ? À la première personne, le discours du personnage est-il franc et honnête ?

Troisième chose : si tout cela va bien, peut-être que le problème est dramaturgique. Voici quelques pistes à explorer, sous la forme de questions à vous poser :

– Le personnage est-il bien moteur de l’action ou n’est-il que spectateur de ce qu’il s’y passe ? A-t-il assez de liberté de choix dans ses actes ? Qu’a-t-il décidé depuis le début du récit ? Qu’est-ce que ça a changé ?

– S’il y a conflit entre plusieurs personnages, ce conflit est-il réel ? Ont-ils de vraies raisons d’être en opposition ? Le conflit n’est-il pas forcé ?

– Y a-t-il bien relation de cause à effet dans les événements ? Est-ce que chaque chapitre découle du précédent et provoquera le suivant ?

– Le décor est-il bien choisi ? Pourquoi le récit a-t-il lieu ici et maintenant ? Qu’est-ce qui caractérise ce décor, quelle ambiance devrait s’en dégager ? Est-ce le cas ?

– Le protagoniste est-il quelqu’un qu’on a envie de suivre ? Est-ce qu’il possède des traits qui attachent le lecteur ? Est-il compétent ? Est-ce qu’il ne fait pas pitié ?

– Le thème de votre histoire est-il clair dans votre esprit ? De quoi êtes-vous en train de parler exactement ? Le protagoniste est-il bien lié au thème ? Et l’antagoniste ? Et l’univers du récit ? Et le cœur de l’intrigue ?



Sentiment de progression

Dans le premier article, j’ai parlé de l’importance de clarifier les objectifs des personnages (leurs désirs, leurs besoins) ainsi que les enjeux associés (ce qu’ils ont à gagner en les atteignant, ce qu’ils ont à perdre dans le cas contraire). C’est important au niveau narratif, mais ça l’est aussi pour une autre raison un peu plus méta : de façon implicite, les objectifs et les enjeux sont des promesses que vous faites au lecteur au sujet de ce qu’il se passera par la suite. Et ce sont donc des promesses que vous vous êtes faites à vous-même dans les premiers jours du Nano !

Et comme le cerveau humain est parfois bizarre, un individu est souvent déçu de ne pas recevoir quelque chose qu’on lui a promis, même si ce qu’on lui donne à la place est « bien ». Donc : qu’est-ce que vous vous êtes promis au début de ce Nano que vous ne voyez pas arriver ?

Vous vous êtes embarqués dans ce Nano parce que vous aviez un objectif en tête et que celui-ci vous motivait. Pour tenir la distance – pour que vous ne sautiez pas du train en route –, l’idéal est que vous éprouviez constamment un sentiment de progression ; que vous ayez pleinement conscience des progrès que l’histoire a faits depuis le point de départ par rapport à la destination. 

Alors, bien sûr, c’est à ça que sert le compteur de mots : voir le graphique progresser de jour en jour est censé vous motiver. Mais ça ne suffit pas, n’est-ce pas ? Vous le ressentez au fond de vous : à quoi bon jeter des dizaines de milliers de mots sur le papier si ce que vous écrivez ne tient pas la route et ne va pas dans la direction où vous vouliez aller ? Alors, si vous peinez, faites une pause et prenez un peu de temps pour lister sur une feuille de papier :

– Ce qui vous motivait au départ, et comment vous pourriez remettre ça dans le récit si ça n’y figure pas.

– Quelles sont les promesses que font les premiers chapitres rédigés lors de ce Nano. Vers quoi devez-vous développer le milieu du récit pour être capable de tenir ces promesses d’ici la fin du livre ? En même temps qu’à vous-même, donnez au lecteur le sentiment que l’histoire avance bel et bien vers sa conclusion !

 

Mid-act climax

Terminons cet article par une astuce de dramaturgie qui peut vous aider à rebondir : la technique du « mid-act climax ». Cela consiste à avoir un grand chambardement au cours de votre récit, au milieu ou deux-tiers de l’histoire, afin de « retourner la table » et renouveler l’intérêt (pour vous à l’écriture, pour le lecteur à la lecture). Bien sûr, il faut pour cela avoir une bonne idée, mais peut-être que les pistes suivantes peuvent vous inspirer :

– Un élément aléatoire survient, extérieur à l’histoire, et change complètement la donne (un accident, une catastrophe naturelle, une épidémie, etc.).

– Alors que le récit semblait opposer deux personnages ou deux camps, un troisième (qu’on n’avait pas vu venir) entre soudain dans la dance.

– Un traître est révélé alors qu’il commet un acte terrible.

– Alors que tout semblait indiquer un objectif clair pour l’antagoniste, on réalise qu’il possède en réalité un objectif complètement différent et inattendu.

– Alors que les personnages viennent de réussir quelque chose avec difficulté, leur victoire n’a pas du tout les résultats escomptés et fait empirer la situation.

– Si les personnages disposaient jusqu’ici d’un guide, conseiller, mentor ou professeur, c’est le bon moment pour que celui-ci disparaisse.

Quand on est un peu perdu dans son récit, revenir au thème principal de son histoire est toujours une bonne idée, et trouver un coup de théâtre en lien avec lui vous aidera à garder le bon cap vers une fin qui aura du sens : si votre thème est la liberté, qui donc pourrait être enfermé, et où ? Si votre thème est la lutte des classes, quelle altercation ou quel événement pourrait retourner la situation actuelle ? Si votre thème est la confiance en soi, quel échec pourrait balayer les premiers efforts de vos personnages ?


Pour la suite de ce Nano, donnez-vous comme objectif de bâtir un pont entre votre début et votre fin à venir ! Vérifiez que vous tenez vos propres promesses, et créez un véritable sentiment de progression dans votre histoire – pour le lecteur, mais aussi pour votre propre salut ! Et, s’il le faut, renversez la table au niveau narratif !
Vous aurez bientôt la possibilité de me poser des questions plus spécifiques, et j’y répondrai dans un prochain article. On se revoit bientôt ? D’ici là, bonne écriture !
 

Stéphane Arnier est auteur de fantasy. Entre deux romans et un concours d'écriture, il explore dramaturgie et narration sur son blog.
J'aime ? Je partage !
Catégories du blog
Vitrine Scribbook
Publicités classiques