Si vous avez maintes idées originales mais du mal à les organiser, essayez d’utiliser la méthode décrite ici pour construire une histoire courte. Attention, ce n’est pas la clé pour écrire tous les récits imaginables, mais cela devrait vous aider à cadrer votre conflit central, créer un personnage proactif et façonner une fin satisfaisante. Et même si vous vous écartez du chemin, vous aurez au moins pris pied dans l’élaboration d’un récit captivant.
Cela peut être n’importe quel type de problème, du plus fou au plus banal. Si vous passez une journée à vide côté imagination, choisissez simplement un vrai problème de votre vie courante. Le seul inconvénient si vous choisissez quelque chose de trivial, c’est que vous devrez travailler plus dur pour le rendre significatif. À l’inverse, si vous choisissez un problème décourageant, vous pourriez avoir du mal à trouver une solution. Recherchez un problème significatif qui peut être résolu par une seule personne, en une scène. Mais, quel que soit votre choix, vous pourrez faire fonctionner la méthode.
1. Le vernis à ongles violet a disparu.
2. Des extraterrestres tapent aux fenêtres.
3. Le jardin n’est pas pollinisé.
Restez simple. C’est une histoire courte : vous n’avez pas le temps de lui donner un deuxième prénom ou de décrire sa coiffure – à moins que ces choses soient pertinentes pour le problème que vous avez créé à l’étape 1. Il suffit de donner quelques bases pour définir un état d’esprit. Le reste pourra être développé par la suite.
1. Un jeune homme
2. Une grand-mère
3. Un enfant au genre ambigu
Plus le problème est important pour le personnage, plus il devient important pour le lecteur. Trouvez une raison solide pour laquelle ce personnage se fait du souci. C’est deux fois plus important si votre problème est trivial. Augmentez les enjeux jusqu’à ce qu’ils aient un impact émotionnel.
L’enjeu, c’est la mise. Comme au poker, il s’agit de montrer au lecteur ce que le personnage espère gagner en cas de réussite, tout en soulignant ce qu’il perdra en cas d’échec.
1. La petite amie du jeune homme lui a acheté ledit vernis à ongles il y a un an, mais il ne l’a jamais porté. Maintenant, leur relation est en danger, et pour la garder il doit démontrer à quel point il tient à elle.
2. Il y a très longtemps, le jeune frère de la grand-mère a disparu après que des extraterrestres similaires aient également tapé aux fenêtres la nuit. Ce soir, ses jeunes petits-enfants sont de visite...
3. L’enfant a un jardin dans lequel pousse une herbe médicinale rare. À moins que les plantes ne soient rapidement pollinisées, une demi-douzaine de personnes – dont des amis proches de l’enfant – mourront.
Lorsque vous avez terminé, examinez vos descriptions pour décider si votre problème est toujours le même. Dans l’exemple trivial du vernis à ongles, les éléments ajoutés ont mis en évidence le vrai problème de l’histoire : il est sur le point de perdre sa petite amie. Je vais donc devoir décrire pourquoi garder cette relation compte pour lui. Les autres problématiques pourraient également être redéfinies à ce stade.
Réfléchissez à la manière dont votre personnage pourrait résoudre son problème. Ensuite, décidez de ce qui l’empêche d’y arriver. À quoi va-t-il devoir faire face pendant l’histoire ?
Si vous voulez développer une histoire centrée sur votre protagoniste, c’est là que vous esquissez votre arc de personnage : faites de son obstacle une faiblesse personnelle.
Arc de personnage : nous reviendrons avec un article complet sur le sujet, mais en deux mots l’idée est que le personnage n’affronte pas seulement un obstacle externe (lié à l’environnement ou à un adversaire) mais un obstacle interne (lié à sa psychologie ou à un trait de son caractère). Un arc de personnage au sein de l’histoire permet de développer l’empathie du lecteur pour celui-ci.
1. Le jeune homme se focalise trop sur cette histoire de vernis à ongles parce qu’il est perfectionniste (obstacle interne). Il concentre son attention sur des détails, ce qui l’empêche de voir le tableau dans son ensemble. Cela le met souvent en décalage par rapport aux attentes de sa petite amie, qui du coup pense qu’il ne fait pas attention à elle.
2. Les extraterrestres sont immunisés contre les armes normales (obstacle externe), et la grand-mère ne peut pas appeler à l’aide parce que les coups réguliers sur les fenêtres créent un champ d’interférence, brouillant les appareils électroniques (obstacle externe).
3. Chaque pollinisateur apporté est immédiatement mangé par les chauves-souris (obstacle externe). L’enfant déteste les chauves-souris (obstacle interne), mais personne n’a réussi à les capturer ou à les tuer.
Je dis « tentatives » parce que votre personnage doit échouer et ensuite faire face aux conséquences de ces échecs. Cela devrait augmenter la tension et le suspense au sein de votre récit. Peut-être le héros va-t-il consacrer son temps à des mesures infructueuses ou provoquer encore plus de dégâts. Après chaque tentative, il devrait se retrouver dans une situation plus précaire que la précédente.
1. Pour se donner du temps afin de trouver le vernis à ongles, le jeune homme dit à sa copine qu’il sera en retard. Elle se fâche, lui disant que s’il se souciait réellement d’elle, il arriverait à l’heure. Il trouve le vernis et se précipite à sa rencontre, mais réalise alors qu’il n’a pas de fleurs. Pendant qu’il en achète, elle l’appelle pour lui demander où il est, lui indiquant qu’il est assez embarrassant d’être assise seule à table pendant une demi-heure. Il se précipite au restaurant, mais arrive seulement pour la voir partir. Il court après elle. Sa copine lui dit que tout ce qu’elle voulait c’était sortir dîner avec lui.
2. La grand-mère essaie de bloquer les fenêtres pour empêcher les extraterrestres d’entrer, mais leurs corps passent à travers les fissures et ils pénètrent dans la maison. Elle attrape alors un couteau de cuisine et essaie de les poignarder, mais ils s’évaporent et se reconstituent de nouveau, tout en se déplaçant vers la chambre où dorment les enfants.
3. L’enfant n’a plus que quatre jours pour polliniser les plantes, sinon le temps nécessaire à leur croissance pourrait être trop long pour sauver des vies. La première nuit, il apporte des papillons, mais les chauves-souris les mangent. Le deuxième soir, il essaie les abeilles, mais les chauves-souris les mangent aussi. La troisième nuit, il tente des colibris, et là, encore une fois, ils sont mangés. Chaque fois que l’enfant maudit les chauves-souris, sa mère lui rappelle que les chauves-souris aussi ont une raison d’exister.
Mais il y a de l’espoir ! Donnez, à chaque tentative ratée, un petit pas vers la solution. Ce peut être un indice, un outil ou un conseil qui aidera votre personnage. Cela ne veut pas dire qu’il en prendra conscience de suite. En fait, c’est même mieux s’il ne le fait pas !
Les pièces du puzzle s’assemblent dans l’esprit du héros. Cela peut prendre différentes formes : une prise de conscience étourdissante, une idée de génie, ou simplement l’acquisition d’un peu de sagesse. Il a ainsi sa première opportunité de résoudre le problème.
1. Il se rend compte que toutes ses tentatives pour rendre sa petite amie heureuse l’ont, au final, rendue malheureuse. Il lui présente ses excuses.
2. Elle constate que les armes conçues pour interagir avec les matières solides ne fonctionnent pas sur les extraterrestres. Donc si elle veut les battre, elle aura besoin d’armes conçues pour des choses qui... ne sont pas solides.
3. Même si l’enfant déteste les chauves-souris, il décide à contrecœur de les étudier de plus près. En conséquence de quoi, il apprend que de nombreuses chauves-souris sont des pollinisateurs.
Si vous prévoyez une fin malheureuse, la prise de conscience du héros peut être erronée ou incomplète. Peut-être qu’il s’obstinera à suivre la mauvaise solution à son problème. Néanmoins, à ce stade de l’histoire, votre auditoire doit sentir que le succès est possible.
Vous avez amené votre personnage à un tournant critique. Maintenant, il va devoir faire un choix qui déterminera son succès, et vous raconterez les résultats. Quoi qu’il arrive, sa situation doit changer.
1. Comme tous les bons restaurants sont maintenant réservés pour la soirée, il demande s’ils peuvent sortir le lendemain soir, insistant sur le fait que leur rendez-vous est trop spécial pour se contenter d’un fast-food. Elle soupire et lui dit que c’est fini... Puis elle part, ignorant ses excuses.
2. Juste au moment où les extraterrestres atteignent ses petits-enfants, la grand-mère attrape l’aspirateur, l’allume et les vise. Ils se vaporisent alors et sont aspirés dans l’appareil.
3. L’enfant conçoit un moyen d’attirer les chauves-souris pollinisatrices dans le jardin. La quatrième nuit, ces chauves-souris viennent, et elles ne sont pas mangées !
Allez assez loin avec votre narration pour que votre public sache ce qui viendra après. Le jeune homme va pleurer sur sa relation perdue. La grand-mère disposera d’un aspirateur rempli d’extraterrestres. L’enfant va s’occuper des plantes et fabriquer le médicament. Les détails peuvent être différents, mais la direction est claire.
J’ai dit qu’il y avait sept étapes, mais je n’ai pas dit qu’elles étaient faciles. Elles nécessitent de résoudre un certain nombre de problèmes créatifs. Heureusement pour nous, créer des histoires est une compétence comme une autre : avec de la pratique, vous vous améliorerez.
Cette méthode en 7 étapes vous permet de dégager le synopsis de votre histoire. Charge à vous maintenant de faire grossir ce flocon en le retravaillant. Faites-le grandir et mûrir, ajoutez-y des problématiques et de l’épaisseur, approfondissez vos personnages. Rédigez un synopsis plus long, puis un plan, puis… Pourquoi pas un livre ?